De nombreuses fake news circulent sur la nouvelle loi Schiappa, alors que cette loi représente un progrès pour notre société. Je me suis engagée auprès de 77 autres députés LREM dans une tribune que vous pouvez lire ci-dessous.

Nous soutenons les combats menés par ces associations et ces militants dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Toutefois nous regrettons et ne comprenons pas cette prise de position au sujet de ce texte. C’est pourquoi, nous tenons à revenir non seulement sur la teneur de la loi votée mais également sur l’état d’esprit avec lequel nous avons mené les travaux parlementaires, loin des approximations et mensonges véhiculés depuis plusieurs semaines, notamment sur les réseaux sociaux.

Non, cette loi n’a pas été « votée en catimini » comme l’affirment certains. Tout au contraire, elle est le fruit d’un long travail de co-construction. Outre la grande concertation initiée par le Gouvernement avec le tour de France de l’égalité, de multiples travaux ont précédé les débats parlementaires. Ainsi, nous avons auditionné dans le cadre des travaux préparatoires de nombreux professionnels, responsables associatifs, magistrats, médecins, avocats etc.

Le projet de loi a ainsi été amélioré, modifié et enrichi par l’Assemblée nationale et le Sénat au fur et à mesure des rencontres et des débats. Les deux assemblées ont d’ailleurs trouvé un accord et voté ce texte à l’unanimité. C’est bien que cette loi marque un net progrès pour la protection des victimes et particulièrement des enfants.

Oui, c’est une loi de progrès car elle allonge la durée de prescription qui permet désormais au ministère public d’engager des poursuites contre un auteur présumé de viol sur mineur jusqu’aux 48 ans de la victime contre 38 ans auparavant. Cette mesure prend en compte différents phénomènes, dont l’amnésie traumatique, pour laisser aux victimes le temps nécessaire pour parler et être entendues.

Oui, c’est une loi de progrès car elle sanctionne enfin les raids numériques dont les premières cibles sont les enfants et particulièrement les collégiens et lycéens. Combien d’enfants seuls derrières leur écran de téléphone ou d’ordinateur ont été marqués à vie par un déferlement de messages humiliants ou menaçants ?

Oui, c’est une loi de progrès car elle réprime pour la première fois de notre histoire le premier degré des violences sexistes : l’outrage sexiste qui prend le plus souvent la forme du harcèlement de rue et dont les enfants peuvent aussi être victimes.

Oui, c’est une loi de progrès car elle sanctionne plus sévèrement les auteurs de violences conjugales qui se livrent à ces violences en présence de mineurs, car un enfant témoin de violences est toujours un enfant victime. Cette mesure avait été à très juste titre sollicitée par les associations.

Oui, c’est une loi de progrès car elle accentue la répression des délinquants qui administrent des drogues à leurs victimes pour commettre des agressions sexuelles ou des viols.

Oui, c’est une loi de progrès car elle permet de combler plusieurs vides juridiques, comme la captation d’images impudiques, aussi appelée upskirting et qui pourra désormais être poursuivie par la justice et être punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Les détracteurs de la loi Schiappa n’évoquent quasiment aucune de ces mesures mais concentrent leurs griefs sur l’article 2 de la loi. Cet article fait écho aux tristement célèbres affaires de Pontoise et de Meaux pour lesquelles la qualification de viol n’avait pas été retenue. Les juridictions n’avaient pas considéré que le jeune âge des victimes (11 ans) suffisait à caractériser la contrainte ou la surprise.

Or, il faut savoir qu’avant l’adoption de cette loi, la définition du crime de viol et du délit d’agression sexuelle ne comportaient aucune spécificité relative aux mineurs de moins de 15 ans. Ainsi, le juge devait rechercher l’existence d’une contrainte, menace, surprise ou violence sans toutefois être tenu légalement de rendre en compte la vulnérabilité des jeunes mineurs.

La loi prévoit désormais un âge seuil que la juridiction doit prendre en compte. Le texte est clair : « lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ». Si une juridiction s’affranchissait de cette disposition, son jugement ou arrêt serait invalidé.

En réalité, les opposants à cette loi souhaitaient que nous mettions en œuvre une présomption de non consentement. Cette proposition qui a été très longuement étudiée et discutée n’a pas été retenue et ce pour deux raisons :

– Le Conseil d’État et des juristes spécialisés (magistrats, avocats, universitaires, magistrat de la Cour de cassation …) nous ont mis en garde sur le risque réel d’inconstitutionnalité de cette présomption de culpabilité qui n’existe pas en matière criminelle. Le Conseil d’État a aussi rappelé le danger de l’automaticité d’une présomption.

Par exemple, dans le cas d’une relation suivie entre un mineur de 17 ans et demi et un autre de 14 ans, la survenance de la majorité du premier aurait eu pour conséquence de faire renvoyer ce dernier devant la Cour d’assise. Il n’était pas question pour nous de prendre le risque que le texte soit censuré par le Conseil constitutionnel et ce au préjudice des victimes

– De plus, une présomption n’empêcherait pas le débat sur l’existence d’une contrainte ou d’une surprise et donc sur les circonstances du viol ou de l’agression puisque le propre d’une présomption est de pouvoir être renversée, ce qui ne manquerait pas d’être fait par les avocats de la défense. Le débat sur le consentement ou tout au moins sur le contexte aurait donc tout de même lieu. La disposition adoptée a surtout le mérite de trouver une application immédiate aux dossiers en cours dès l’adoption du texte, ce qui n’aurait pas été le cas d’une présomption.

Les débats autour de cette présomption traduisent semble-t-il une certaine défiance à l’égard du juge qui garde une marge d’appréciation. Toutefois, pas un dossier ne ressemble à un autre et aucune victime n’est comparable à une autre. Le juge doit pouvoir apprécier en conscience chaque situation dans sa spécificité dans l’intérêt même des victimes.

L’enjeu pour les législateurs que nous sommes et pour les juges saisis de ces faits est de concilier la nécessaire protection des victimes et le respect des droits et libertés fondamentaux. Nous ne voulons ni d’une autre affaire de Pontoise ni d’une autre affaire d’Outreau.

Enfin, si cette loi constitue une pierre angulaire de la protection des victimes de violences sexistes et sexuelles, nous continuerons bien évidemment à rester mobilisés pour avancer sur ce sujet en nous impliquant non seulement dans l’évaluation de cette loi mais également sur tous les sujets permettant une meilleure protection des mineurs.