C’est comme se réveiller avec une gueule de bois sans avoir fait la fête…
Nicolas Hulot, Ministre d’état, ministre de la Transition Écologique et Solidaire, démissionne.
C’était pourtant prévisible : l’exemple de la loi agriculture et alimentation
Mauvaise nouvelle ? est-ce vraiment une nouvelle ? Cette démission n’était-elle pas au contraire un risque depuis longtemps ? Qui peut oser dire ne pas avoir vu les indices depuis des mois ?
Le 12 aout, Nicolas Hulot réagissait à la condamnation de Monsanto dans les pages de Libération :
« Le silence, parfois, est une forme de complicité ».
La loi sur l’agriculture et l’alimentation a été un vrai choc. Tout ce travail accompli par la commission Développement Durable et Aménagement du Territoire, défait en partie par les affaires économiques, dans l’hémicycle, au Sénat…
Parlons glyphosate. Le symbole était fort, il a été écarté. Sous la pression des lobbys. De certains lobbys. Car les agriculteurs sont loin d’être tous des fanatiques des pesticides. Je discute beaucoup avec les agriculteurs sur mon territoire. Ils n’ont pas plus envie de mourir d’un cancer que n’importe qui d’autre. Mais on leur a fait croire longtemps qu’il n’y avait pas d’alternative. Quand vous prenez le temps de la discussion, de la pédagogie, quand vous vous engagez à les écouter et les aider, ils savent vous écouter aussi. Encore faut-il se donner les moyens de chercher des solutions pour eux et avec eux plutôt que de renoncer encore et toujours par facilité.
Repenser le rôle de la commission DDAT et l’organisation des ministères
Cette loi, la commission s’en est saisie pour avis. Elle aurait dû s’occuper du fond. L’agriculture et l’alimentation ne sont pas qu’une affaire économique parmi d’autres, ce sont des problématiques de développement durable, selon la définition de l’ONU, selon les 17 Objectifs de Développement Durable de l’agenda 2030. C’est pourquoi la commission développement durable et aménagement territoire devrait être première sur la plupart des textes. C’est pourquoi plutôt que d’être méprisée par certains collègues, elle devrait être incontournable.
L’agriculture, la chasse et la pêche sont des problématiques liées au développement durable. Elles devraient être rassemblées, non pas au sein d’un ministère, mais au sein d’un secrétariat d’État sous la responsabilité du ministère de la Transition.
Nous devons aller plus loin. Être encore plus ambitieux. Nicolas Hulot n’était pas seul, je regrette qu’il ne se soit pas senti suffisamment soutenu.
Nos petits pas pour l’homme…
Pourtant, nous avons eu des petites victoires, des petits pas : la loi sur les hydrocarbures, les projets sur les ENR, la feuille de route sur l’économie circulaire… beaucoup de petits pas restés dans l’ombre. Brune Poirson et Sébastien Lecornu abattent un boulot formidable. J’étais à New York au Forum Politique de Haut Niveau à l’ONU avec la secrétaire d’État il y a un peu plus d’un mois. C’est une belle personne, humaine, engagée. Son travail, son enthousiasme ont été salués internationalement. En a-t-on parlé ? Peu. Parce que c’est une femme ? parce qu’elle est nouvelle ?
Nous avons un commissariat général au développement durable, mené par une femme de caractère ? en parle-t-on ?
Malheureusement, tout le monde parle des reculs, personne ne parle des avancées. Tout le monde condamne, tout le monde critique, et bien peu construisent. Monsieur Mélenchon peut bien se réjouir, mais je ne vois pas grand-chose émerger du chaos qu’il propose.
Je crois encore à la théorie des petits pas, c’est pour cela que je reste, parce que le combat se mène aussi de l’intérieur. On ne mène aucune négociation en quittant la table.
Mais je comprends Nicolas Hulot, il a dû accepter des compromis, voire des compromissions. Il a envie de ne pas se perdre. Dans 4 ans, pour ma part, je veux continuer à me regarder dans un miroir.
Nicolas Hulot libère notre parole
Cette annonce n’est qu’un symptôme de plus de ce qui se joue au sein de la majorité depuis des mois. La communication et le dialogue sont difficiles. Nous sommes nombreux à ressentir un certain malaise, un certain mal-être mais nous continuons d’espérer que nous sommes venus là pour changer les choses. Nous continuons de croire dans les belles idées qui ont fondé En Marche à l’origine.
Certains médias ont joué leur part dans cet état de fait, en donnant la parole encore et toujours aux mêmes, en nous stigmatisant pour notre inexpérience, notre naïveté, notre méconnaissance des « us et coutumes »… Ce n’était rien de tout cela, c’était et cela reste une nouvelle façon de faire, de s’emparer de la politique, de rendre la chose publique aux citoyens.
Lorsque certains indiquent que cette démission est « le prix à payer d’avoir des ministres de la société civile », comment doit-on l’entendre ? *« On vous a donné votre chance, c’est dur de faire la politique, hein, les bleus ? rentrez-vous chez vous et laissez çà aux professionnels… » ?*
Au contraire, je pense que les professionnels de la politique se doivent de se mettre en retrait. Les gens issus de la vie civile ont passé un an à bosser, à observer, à apprendre… Il est temps aujourd’hui de leur accorder davantage de crédit. Les « novices » ont appris la leçon. N’ayons pas peur de notre nouveauté, elle fait notre différence et notre force.
Il est temps de repenser notre modèle interne. Aujourd’hui, l’heure est venue de la réorganisation, du changement. Pour moi, l’opportunité nous a été donnée, à nous, nouveaux-venus de la société civile, de tout horizon, de prendre en main notre destin. Nous ne devons pas renoncer.
Personne ne nous reprendra cela. Nous n’abandonnerons pas.